L’été se prolonge, et la route s’oriente désormais vers l’ouest… Peu à peu, nous amorçons le retour, sans vraiment en avoir le sentiment. Chaque kilomètre nous rapproche de l’Europe, mais tout ici continue de nous dérouter, de nous émerveiller, de nous faire sentir loin — très loin. Après des semaines de montagnes et de steppes, nous voilà prêts pour une nouvelle étape du voyage : un long ruban de pistes et de routes improbables, de la Pamir Highway jusqu’aux déserts du Kazakhstan, en passant par les cités légendaires de l’Ouzbékistan.
Ce voyage, c’est un fil tendu entre plusieurs mondes, plusieurs temps, un chemin de poussière et de silence, où se mêlent la grandeur, le calme et la liberté — ces trois mots qui, peut-être, résument le mieux ce que l’Asie centrale nous a offert.
Cet article s’ouvre sur les hautes terres du Pamir, étape marquante d’un voyage extraordinaire au cœur de l’Asie Centrale. On vous emmène avec nous, le temps d’une lecture, sur cette route pas comme les autres…
9. La Pamir Highway, entre héritage soviétique et aventure moderne.
Nous serons trois véhicules sur cette aventure : nos amis autrichiens, un couple d’Allemands rencontrés lors de précédents voyages, et nous. Trois vans, trois histoires, une même quête — celle de la route, du calme, de cette sensation de liberté qui ne s’explique pas, mais se vit.
Ensemble, nous nous engageons sur la célèbre Pamir Highway, une route à la fois mythique et exigeante, qui serpente à plus de 3 600 mètres d’altitude, héritage stratégique de l’époque soviétique.
Très vite, le décor se révèle : cols vertigineux, montagnes arides, vallées suspendues. Là-bas, les cartes n’ont plus vraiment de sens. Le bitume s’effrite, les montagnes semblent se rapprocher, et le silence prend toute la place.
Les kilomètres s’annoncent rudes : plus de 1000 à parcourir, sur des pistes souvent fragiles et escarpées.
Les défis de la route se succèdent — la route déformée type “tôle ondulée”, ravins, altitudes — et parfois, ce sont les rivières qui se mêlent à notre chemin. Elles débordent, envahissent la route, et il faut alors bien étudier le terrain avant de traverser. Parfois, on attend le matin, quand les eaux sont plus calmes. L’après-midi, avec la fonte des glaciers, elles gonflent et deviennent trop puissantes pour passer. Ces moments ralentissent le voyage, mais font aussi tout le charme de cette traversée.
Un petit incident mécanique vient rappeler à quel point cette route malmène nos véhicules : un support de la suspension de notre fourgon cède, et je dois le faire ressouder sur place, directement dans la rue, avec les moyens du bord.
Ici, la mécanique est mise à rude épreuve : pistes défoncées, chocs répétés, fortes chaleurs et longues montées. On inspecte régulièrement, on surveille les bruits, les températures, on réagit dès qu’un signe apparaît. Ce jour-là, c’est aussi Harry qui commence à chauffer — le moteur peine, les ventilateurs tournent à plein régime.
Dans ce genre de conditions, une panne peut vite devenir un vrai problème logistique : pas de réseau, peu de circulation, une aide difficile. Nous devons rester réactifs, organisés, et faire en sorte que ça tienne jusqu’à la prochaine étape.
Sous le camion, on y passe tellement de temps qu’on connaît chaque boulon, au point que les femmes commencent à nous soupçonner d’avoir créé un club secret. Elles aimeraient bien être invitées… En attendant, c’est apéro entre mécanos, avec une bière bien fraîche pour Harry, évidemment
En Chine, on roulait beaucoup, sans vraiment prendre le temps de s’arrêter. Ici, le rythme est différent. On avance lentement, on s’arrête souvent, juste pour lever la tête, regarder autour.
Lors d’une de ces pauses, on découvre les restes d’un ancien observatoire soviétique. Le lieu est abîmé par le temps, mais il tient encore debout. On imagine ceux qui l’ont fait vivre dans des conditions nettement plus difficiles, avec une altitude élevée, un froid intense et des vents violents. Même vide, il garde une forme de présence, comme un témoin silencieux d’une époque révolue.
10. Le corridor de Wakhan, au bord de l’Afghanistan.
Le corridor de Wakhan, c’est cette bande étroite de territoire tadjik qui longe l’Afghanistan sur des centaines de kilomètres. Peu fréquentée, elle traverse des paysages majestueux : sommets découpés, vallées encaissées, villages isolés accrochés à la pente. La route est rude, parfois à peine tracée, mais la beauté brute du lieu impose le silence.
Puis vient le fleuve Panj. Large, tumultueux, infranchissable — c’est lui qui marque la frontière. Il trace cette limite toujours imposée par l’homme, mais la nature ne s’y arrête pas. Les aigles la survolent sans effort, la poussière traverse sans visa, et le soleil éclaire les deux rives comme si elle n’existait pas.
On devine la vie quotidienne à travers quelques silhouettes : des hommes à pied parcourant des dizaines de kilomètres, des ânes chargés de marchandises, et de temps en temps un camion. La route de l’autre côté du fleuve semble encore plus difficile, d’une autre époque : tracée à la main, consolidée par des tas de pierres, fragile et imprévisible.
Cette piste interdite de l’autre côté fait souvent nos délires avec Harry, entre frissons et défis. De leur côté, nos épouses, fatiguées de nos histoires de routes cabossées, ont vite compris qu’une expédition masculine serait la meilleure garantie d’une pause bien méritée.
La Wakhan, ce n’est pas qu’un paysage, c’est un peuple. Leur gentillesse nous a touchés profondément. Toujours un sourire, un regard bienveillant, un simple bonjour qui nous émeut. Ici, les champs se travaillent à la main, et la vie s’écoule doucement, loin du bruit du monde.
Nous entrons désormais dans la partie la plus délicate du corridor du Wakhan — celle que nous redoutions un peu, mais que nous savions inévitable. On s’attendait à relever certains défis, et les premiers signes ne tardent pas à se manifester.
Le premier pont, vaguement consolidé avec quelques pierres empilées à la va-vite, inspire peu confiance. Une petite montée d’adrénaline, un instant de flottement… puis on passe, avec soulagement. La manœuvre réussit, mais on sent que la suite ne sera pas plus simple.
Quelques kilomètres plus loin, le deuxième franchissement s’avère plus compliqué. Il n’y a plus de pont, seulement deux énormes tubes formant un passage de fortune. La rivière, gonflée par le courant, a largement débordé et englouti l’accès. Nous pourrions peut-être la descendre, mais sans véritables 4×4, la monter paraît illusoire. Après quelques hésitations, nous renonçons. La prudence l’emporte sur l’envie d’aller plus loin.
Nous faisons demi-tour et revenons sur la M41, la route principale, plus fréquentée et moins spectaculaire. Les trous, les nids-de-poule et les paysages moins variés rendent la conduite plus désagréable, mais chaque détour sauvage nous rappelle pourquoi nous voulions tenter d’emprunter le corridor du Wakhan : la beauté et l’isolement de ces paysages restent inégalés. Une fois arrivée à Korogh, nos pensées reviennent déjà vers la Wakhan, de l’autre côté, là où notre progression s’était arrêtée. Cette fois, l’objectif est clair : finir ce parcours laissé en suspens.
Sur la route, entre deux secousses, nous trouvons aussi le temps de profiter de quelques sources d’eau chaude. Petites oasis au milieu de la poussière, elles offrent un moment de détente inattendu et bienvenu. Nous faisons également halte dans un musée sans prétention, où un guide passionné nous partage son amour sincère pour sa région et de son peuple, ajoutant une touche humaine à ce décor grandiose.
Après ces étapes, la route change brutalement. Les kilomètres qui suivent ne sont plus que route asphaltée, et cette transition nous fait presque bizarre après tant de pistes cabossées. Même si la conduite devient plus reposante grâce à l’absence de trous, la circulation, jusque-là presque inexistante, rend ce retour paradoxalement plus fatigant
Trois semaines passées ensemble à affronter des pistes tout-terrain exigeantes, des imprévus et des paysages grandioses. Nous finirons par nous séparer juste avant Douchanbé, chacun poursuivant sa route, mais avec le sentiment d’avoir vécu un voyage rare, à la fois éprouvant et profondément humain.
Douchanbé ne sera pour nous qu’une halte technique, une parenthèse dans une ville étonnamment moderne après tant de jours passés sur les pistes. Juste le temps de quelques réparations et de reprendre souffle, avant de poursuivre vers l’Ouzbékistan.
Mais ceci est une autre étape de notre route. Un prochain article viendra conclure notre été en Asie centrale, de l’Ouzbékistan au Kazakhstan, là où les steppes s’étendent à perte de vue et où le voyage prend une toute autre dimension…
Wunderschön und berührend beschrieben – das trifft genau unsere Empfindungen. Toll, dass wir ein Teil dieses Reiseabschnitts sein durften. Liebe Grüße!
Vielen Dank!Es freut uns,dass euch der Artikel gefallen.Es war wirklich eine ganz besondere Zeit,die wir miteinander verbracht haben und wir freuen uns schon auf unser nächstes Wiedersehen – wo auch immer auf dieser wunderschönen Welt!
Wunderschön und berührend beschrieben – das trifft genau unsere Empfindungen. Toll, dass wir ein Teil dieses Reiseabschnitts sein durften. Liebe Grüße!
Vielen Dank!Es freut uns,dass euch der Artikel gefallen.Es war wirklich eine ganz besondere Zeit,die wir miteinander verbracht haben und wir freuen uns schon auf unser nächstes Wiedersehen – wo auch immer auf dieser wunderschönen Welt!